Je suis essoufflé. J’ai pourtant l’habitude de faire ce chemin, mais aujourd’hui quelque chose est différent. Peut-être est-ce l’air, plus frais que d’habitude, ou peut-être que je suis juste en train de devenir un vieux tas rouillé. Vu que je suis encore ado, je penche pour la première solution. C’est vrai que le climat est en train de changer. Fini les grosses chaleurs de l’été, le vent vient nous rafraîchir, annonciateur de l’hiver qui se rapproche. Je continue à grimper, encore et encore. Le chemin est pentu, ça n’aide pas. Je m’accorde une petite pause avant de repartir.

Finalement, j’arrive à un petit espace dégagé. Je m’y avance. De là, j’aurais une vue plongeante sur la ville, mais aussi sur les forêts environnantes. J’ai beau savoir à quoi m’attendre, pour être venu plusieurs fois déjà, rien n’aurait pu me préparer à l’explosion de couleurs que je découvre depuis cet observatoire. Devant moi, les arbres rivalisent de couleurs plus chatoyantes les unes que les autres. Rouge, Orange, Jaune, Brun. Le vert éclatant de l’été semble bien dérisoire maintenant.
Le vent souffle toujours, animant les feuilles d’un léger mouvement, et l’ensemble prend vie, dressant devant moi un paysage superbe, presque irréaliste.

Je décide de m’asseoir pour mieux profiter de la vue, et c’est seulement à ce moment là, alors que je commence à reculer, que je la vois. Adossée contre un arbre, un peu plus loin, elle semble sortie tout droit d’un rêve. Son pelage, d’un rouge feu, semble se marier parfaitement à cet océan de couleurs que nous surplombons. Je la regarde, ébahi, complètement sous le charme. C’est la première fois que je rencontre quelqu’un ici. Autant dire que cette apparition semble être un signe du destin.
Et là, à cet instant, son regard croise le mien, elle me sourit, mon cœur manque un battement, et je réalise que c’est avec elle, et aucune autre, que je veux passer le reste de ma vie.

Assise sur un banc du parc, dans l’ombre des arbres, Justine regardait ses enfants jouer. C’était son plaisir de passer du temps avec ses enfants, avant les nuits de folie. Il y eu un léger coup de vent, et doucement, une feuille de couleur orangée vint se poser sur ses genoux. Justine prit délicatement la feuille morte et se perdit dans ses pensées.
En effet, c’était l’Automne qui commençait. Les enfants avaient repris les cours, les fêtes qui avaient mis l’ambiance tout l’été avaient cessés. Le barbecue était rangé, la piscine recouverte. Bientôt, les arbres du parc seront nus, et les enfants ne viendront plus jouer à cause du froid. Les belles et longues journées passées sous le Soleil ne sont plus que d’agréables mais lointains souvenirs. L’arrivée de l’Automne semble sonner le retour du train-train quotidien. La nostalgie remplissait le cœur de Justine.
Autrefois, l’Automne était le synonyme de son bonheur. Sa rencontre avec Mignon, leurs fiançailles l’année suivante puis le mariage un an après. Ce n’était pas pour marquer l’année qui séparait les deux évènements que Justine et Mignon avaient choisis l’Automne, mais pour ses belles couleurs. Les arbres du château voyaient leurs feuilles devenir oranges, rouges, marrons, des couleurs qui étaient assorties au pelage et à la robe rouge de Justine. Son bouquet, elle l’avait fait avec des fleurs de saison. Cette période si calme était devenue sa préférée, car elle représentait l’amour parfait qu’ils vivaient ensemble. Mais ce fut aussi celle ou la vie du couple bascula.
Une saison, une vie, tellement de souvenirs plus ou moins heureux. Justine ne regrettait rien, l’Automne, elle l’aimait toujours, et cela elle se le rappela encore plus lorsqu’elle regardait ses petits-enfants jouer. Car même si son mariage été terminé, il n’avait pas été raté dans sa totalité. Mignon lui avait donné deux enfants, Roxane et Lucas, qu’elle aimait plus que tout au monde.